Des mots qui rapprochent – un métier d’avenir et qui donnerait presque envie

Publié le 6 Février 2013

 

J’ai lu cet article sur Le Monde.fr (plus précisément dans la super rubrique « Une année en France »)  et je me suis prise à rêver. Quel métier idéal, qu’écrivain public ! Dans le fond, tout du moins :

Etre proche des gens ;

Métier local ;

Appréhension des soucis sociaux ;

Maîtrise totale de la langue française et de l’écriture.

Par contre, dans la forme, cela fait moins rêver. Un écrivain public n’est pas salarié, ne travaille pas 35h par semaine (c’est beaucoup moins), et ne gagne, en conséquent, pas très bien sa vie. C’est une activité presque volage, qui vient compléter une vie professionnelle partiellement remplie et qui apporte, à ceux qui exercent cette profession, le sentiment d’être utile directement aux gens souvent dans une situation peu enviable socialement.

De plus en plus de personnes s’y mettent apparemment. Peut-être dans la mouvance de l’auto-entrepreneuriat, et dans un climat de crise qui fait dire qu’il vaut mieux se lancer, à un moment donné, plutôt que de draguer trop longtemps le patron.

 

À Grenoble, un écrivain public pour les maux des autres

 

Lorsqu'elle rencontre les habitants de son quartier, Fouzia Boulacel tend une oreille pour les entendre se livrer puis elle écrit. Mais elle ne rédige ni poème, ni roman. Elle tape du courrier parfois assommant et remplit des dossiers que certains trouvent indéchiffrables. Depuis un an, Fouzia est écrivain public à la Villeneuve de Grenoble.

Parfois, le courrier s'entasse dans les boîtes aux lettres : paperasse, publicités et factures s'amoncellent. Certaines familles, acculées par les problèmes, déposent leurs papiers en pagaille, sur un coin de la table, ou les jettent au fond d'une poubelle. Dans une société où l'écrit prime, l'expression d'un mécontentement passe systématiquement par l'écriture d'un courrier. Or, rédiger une lettre n'est pas à la portée de tout le monde.

Fouzia Boulacel a l'habitude de jouer avec les mots. Elle pèse les siens et jongle avec ceux des autres. Elle retrouve d'ailleurs souvent les mêmes procédures, du remplissage de la feuille d'impôts à la rédaction d'une lettre de recours, de la facture téléphonique au dossier de la caisse d'allocations familiales (CAF). L'écrivain public accueille des usagers qui cumulent parfois les difficultés sociales, du père de famille incapable de payer sa taxe d'habitation à cette femme qui ne parvient pas à obtenir la nationalité française, malgré son mariage avec un Français. Lors de ses permanences, avec ou sans rendez-vous, Fouzia aide certains publics à écrire leurs lettres. "Ce métier peut faire rêver mais je ne suis écrivain que dans un cadre bien social", précise-t-elle.

Derrière un courrier, se cache une multitude de difficultés. Fouzia Boulacel rencontre parfois des personnes qui n'ont pas ouvert le leur depuis trois mois. "Avec la crise, les gens croulent sous les problèmes et les dettes, ils sont à fleur de peau", explique-t-elle. Ces papiers sont de véritables chocs pour les familles". Celles-ci sont souvent dépassées par des procédures trop complexes dont elles ne comprennent pas les ressorts. Parfois, son rôle consiste simplement à démontrer aux usagers qu'ils ont le droit de faire valoir leurs droits, de riposter, de contredire une décision, de ne pas être d'accord avec quelque chose d'injuste.

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Mais l'écrivain public ne prend pas pour autant la responsabilité de la personne qui a besoin d'aide. Cette dernière valide le courrier avant envoi. "Je compose avec ce que j'ai et avec l'usager, même s'il s'attend souvent à ce que j'écrive la lettre seule", concède Fouzia. Elle met d'ailleurs un point d'honneur à ce qu'il comprenne la procédure à la fin du rendez-vous, pour ne pas que l'entretien soit vain. "La plus grande satisfaction, c'est quand une personne revient en disant que ce que vous avez apporté a permis de l'aider à un moment de sa vie." Parfois, les gens se déplacent simplement pour la remercier. Il faut dire que Fouzia est disponible pour les aider à trouver une oreille attentive. Elle conseille mais rassure aussi. "Les usagers viennent parfois avec leur lettre déjà rédigée et me demandent simplement de la relire."

Lors des rendez-vous, il arrive que des liens se tissent et que naisse une relation de confiance. "Je ne suis pas assistante sociale mais je suis là quand les gens ont besoin d'un éclairage", affirme-t-elle. Les usagers osent alors se confier et mettent leur pudeur de côté face au professionnel. Pas de honte ni de gêne, ils savent pertinemment que leur demande sera prise en compte. "Nous sommes surtout présents pour démontrer aux personnes qu'elles sont prises en considération et qu'elles seront aidées au mieux, explique Fouzia. La clé, c'est l'écoute !"

Pourtant, l'écrivain public a ses limites. Lorsque la demande des habitants dépasse ses prérogatives, Fouzia Boulacel n'hésite pas à les orienter vers une permanence d'écoute ou une assistante sociale, faisant la médiation entre administrations et usagers.

 

Ce service de proximité est une aide utile pour les habitants du quartier. "Quand le besoin s'installe, les habitants sont bien contents d'avoir de l'aide en bas de chez eux", déclare-t-elle. Et le bouche à oreille fonctionne. Certaines personnes viennent ponctuellement, d'autres prennent rendez-vous tout au long de l'année. Fouzia rencontre surtout des mères de famille, des adultes ou des personnes plus âgées du quartier.

Elle ne dispose pas de beaucoup de temps pour chaque usager, entre vingt et trente minutes, mais ce temps est sacré. "Ce n'est pas un luxe d'avoir un écrivain public par secteur", précise-t-elle. Et c'est du travail. Alors, quand en fin d'année, un usager lui demande simplement de l'aider à rédiger une carte postale pour son petit-fils, "c'est un petit rayon de soleil" dans sa journée.

 

Rédigé par t-as-vu-ma-plume

Publié dans #Je prends ma plume...

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