Le camarade René Frégni

Publié le 20 Avril 2011

 

Le pays de Giono souffle un grand coup de mistral, et dépoussière le Manosque des années cul-terreux. René Frégni, à sa manière, assure la relève.

 

Je suis heureuse d’écrire sur René. Parce qu’il est un écrivain reconnu dans le coin et désormais apprécié dans toute la France (notamment avec la publication de La Fiancée des corbeaux chez Gallimard), parce qu’il est un personnage atypique, parce qu’il est manosquin, et parce que je l’ai rencontré et qu’il m’a encouragée dans la voie de l’écriture (en lisant des extraits de Nouvelle Lune ou encore en m’accordant des dédicaces personnalisées très touchantes).

 

René Frégni, personne et en même tout le monde le connaît. On le croise régulièrement sur le café qui donne sur la place de l’Hôtel de ville, où il prend régulièrement ses aises sous les platanes, et observe ceux qui l’entourent derrière ses grosses lunettes. On le croise aussi en manif’ (la dernière fois contre la réforme des retraites) et j’ai eu la chance de l’entendre comparer le 21 avril 2002 à Waterloo (et Nicolas Sarkozy « le ptit Napoléon » !).

On sait souvent, en tout cas par chez moi, qu’il a menée une vie un peu hors du commun. Un passage de plusieurs années en prison (aux Baumettes si je ne dis pas de bêtises), cinq ans passés à l’étranger sous une fausse identité, et une expérience de boulot pendant longtemps dans un hôpital psychiatrique. On peut se dire qu’avec tout ça il a des choses à raconter !

Cela ne l’empêche pas de revenir, avec sa plume, toujours vers Manosque et les environs pour placer ses histoires et personnages.

Et c’est à Manosque que je le retrouve, à la librairie Poivre d’Âne. Ses livres trônent en pleine lumière dans la pièce, tandis que moi je dépose timidement deux exemplaires de Nouvelle Lune en dépôt-vente.

 

C’est alors dans ses romans qu’on l’entraperçoit au détour d’une page, comme dans Manosque au détour d’un parasol ou d’une rue. Quand il décrit son héros qui anime des ateliers d’écriture dans la prison des Baumettes, l’expérience d’être coincé entre quatre murs à rêver d’une femme, le supporter qui se rend au stade Vélodrome pour se sentir vivre et vibrer, on ne peut s’empêcher de l’imaginer lui sous les traits de ce personnage de fiction. Là je parle du lire Où se perdent les hommes, que j’ai lu il y a environ trois ans et qui m’a beaucoup plu. La rage et la passion de la liberté se retrouvent dans le héros qui se met en tête de faire évader un détenu.

Dans Les Nuits d’Alice, on retrouve ce fantôme de la prison et une espèce de fureur de vivre qui ferait presque penser à James Dean dans le film du même nom. L’attachement à Manosque est présent, à travers les deux compères qui tentent de gagner leur croûte et d’être à la hauteur d’Alice, belle comme un mirage, et qui se volatilise d’ailleurs sans crier gare régulièrement. On reconnaît René Frégni lorsqu’il fait aller Pierrot et Lucien Chez Gaby, qui ressemble étrangement aux cafés donnant sur la place de l’Hôtel de Ville, ou encore lorsqu’il décrit les marrons chauds devant le cinéma de la ville, les paysages d’hiver couverts de givre, et la moiteur des étés trop chauds et paresseux.

 

J’ai trouvé un entretien très intéressant, effectué à l’occasion de la sortie du livre Elle danse dans le noir :

 

 


 

 


Pour la suite, c’est ici (impossible de trouver la partie 2 de l'entretien...???)

 

L’important, pour la suite de l’article, était de saisir l’atmosphère de son chez-lui (où se déroule l’entretien). Car c’est de son cocon manosquin que le récit s’envole pour son dernier opus, La Fiancée des corbeaux, que j’ai adoré.

Pour ce livre, René a pris un cahier et l’a gribouillé, rempli au fur et à mesure des mois qui passent, alors que sa fille a quitté Manosque pour Montpellier et ses études. Il remplit ses journées avec cet ancien prisonnier qui veut écrire le roman de sa vie ; Lili le vieil homme ridé comme une pomme au soleil, qui perd la boule de façon touchante ; ses voisins d’en face qui ne soupçonnent pas qu’on peut les observer par la fenêtre de leur salle de bains, se dévêtir, s’asseoir sur la cuvette des WC et s’admirer devant le miroir ; la vieille dame qui sourit lorsqu’elle nourrit les pigeons sur les toits ; l’autre vieille dame qui virevolte dans sa robe à fleurs et se réjouit d’allers à des bals ; et puis Isabelle…

C’est elle la Fiancée des corbeaux, et c’est elle le souffle de vie qui embellit les journées de René et les pages qu’il écrit. Ce personnage superbe de simplicité et de sourires, qui doit exister, donne lieu à des descriptions et des joies sincères, pour le narrateur comme pour le lecteur.

 

Page 61, on peut lire : « Une phrase m’est revenue en mémoire : "mon père est mort le jour où il avait compris qu'il n'aurait plus d'histoires à me raconter". Dans quel livre ai-je lu cette phrase ? »

J’ai cherché mais je n’ai malheureusement pas trouvé.

 

Et quel plaisir de se voir confirmer que, dans Les Nuits d’Alice il y fait également allusion, oui, Les Sept mercenaires c’est un film génial et mortel !

Pour ceux qui connaissent la citation sans savoir d’où elle sort (elle a été reprise en ouverture de La Haine de Mathieu Kassovitz) :

« C'est comme l'histoire de ce type qui dégringolait d'un immeuble de dix étages. Comme il passait devant chaque étage, les gens pouvaient l’entendre dire : "Jusqu'ici, ça va. Jusqu'ici, ça va. Jusqu'ici, ça va. »

 

Rien que pour le plaisir (je ne m’en lasse jamais de ce film), je vous mets la scène en question :

 

 


 

 

 

Bref, René Frégni est un écrivain à lire et un personnage à aimer.

Pour avoir encore plus d’avis sur lui et ses écrits : Le Blog littérature dans les Alpes de Haute-Provence.

 

Rédigé par t-as-vu-ma-plume.over-blog.com

Publié dans #Cercles de culture

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