Décortiquage de mots – Où se trouve l’érotisme au cinéma ?

Publié le 30 Août 2012

 

 Je viens de me procurer le dernier numéro d'août des Cahiers du Cinéma, avec une splendide couverture quasi monochrone, à part cette touche sombre qui représente un nombril et laisse imaginer bien des choses.

 

cahiers-du-cinema_1.jpg


L’article d’ouverture sur le dossier de l’érotisme m’a bien séduite, et j’aimerais vous en faire partager quelques mots. L’érotisme n’est pas la possession du porno, mais il peut être dans le porno. L’érotisme n’est pas dans l’obscénité, mais dans la provocation d’un trouble, d’une émotion. Et je trouve que Stéphane Delorme (rédac chef des Cahiers du cinéma) expose bien le problème d'identité de ce concept, entre une conception morale qui "ennuie profondément" et "l'illimité" revendiqué du porno. Un sujet qui frôle le tabou, mais on s'en fout!

 

L’érotisme est un effet qui traverse tout : il peut naître aussi bien devant un porno, une scène de nu, un regard ou un baiser. C’est un effet évanescent, une montée d’émotion, une excitation : un trouble. Il faut comprendre les modalités de la création de ce trouble et les dispositifs de mise en scène qui le suscitent. Qu’est-ce qui fait qu’abstraitement, soudain, une main se lève pour toucher ? Pourquoi certaines images plus que d’autres nous rendent transis ?

 

L’érotisme est évènement par essence. Il n’y a d’érotique que d’évènement. C’est pour cela que la distinction entre films traditionnels et pornographiques est un faux problème. Peu importe sur quel fond a lieu l’évènement érotique. Est-ce sur fond de pornographie – ou sur fond de puritanisme ? la valeur de l’érotisme se juge aux battements de cœur qui s’emparent soudain du spectateur, et qui ont une égale intensité de part et d’autre. L’érotisme contourne la question de la pénétration qui structure la différence entre soft et hard. Un même évènement peut se produire, lié à un geste, un différentiel de lumière, un différentiel de chaleur, une dissimulation ou une révélation soudaine d’une partie du corps. L’émotion ne monte pas par l’exhibition de quoi que ce soit – ni par sa dissimulation a priori, d’ailleurs. L’érotisme se méfie de tout systématisme, il est fuyant, intervenant par mégarde, surgissant là où on ne l’attend pas.peu importe la structure (un film X ou un film iranien, où un morceau de peau peut d’un coup tout faire vaciller), ce qui compte c’est le déplacement de l’évènement.

 

30475_maria_bello_scaled.jpg


Le discours sur l’érotisme est un peu bouché aujourd’hui aux deux extrêmes. La faute au fantasme gigantesque du contemporain autour de la pornographie (qu’elle soit envisagée comme un mauvais objet ou un bon objet). Le problème « pornographique », qui n’en pourtant pas un, confisque le discours sur le sexe de manière incongrue. D’un côté la conception morale de l’érotisme, soi disant noble, ennuie profondément. Le récent Le Sexe ni la Mort d’André Comte-Sponville, best-seller bien-pensant, se réapproprie l’érotisme en le tirant du côté de l’intimité du corps, donc vers l’éthique (…).

De l’autre côté, il y a donc l’élan un peu béat pour le porno et « contre l’érotisme », pour reprendre le titre du livre de Laurent de Sutter sorti l’an passé (La Musardine). Laurent de Sutter y réduit au maximum la notion jusqu’à ce qu’il n’en reste rien, comme si l’érotisme était juste obsédé par l’orgasme. Puis il définit le porno à l’inverse comme « l’illimité ». la pornographie est en passe de devenir bizarrement un nouvel absolu (…)

 

Il ne s’agit pas de « sauver » l’érotisme en en faisant une chose cérébrale, une cosa mentale, comme s’il y avait d’un côté la simple excitation sexuelle mécanique et de l’autre l’émotion érotique. Le propre même du trouble est de troubler les frontières : difficile de savoir où s’arrête l’émotion. Au cerveau, dans la poitrine, plus bas ? L’émotion est une vague. Et il est inutile d’essayer de séparer le corps et l’esprit sur son passage. (…)

Rédigé par t-as-vu-ma-plume

Publié dans #Je prends ma plume...

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article