Humeur d'un lundi - "le travail c'est la santé..."

Publié le 4 Mai 2015

"... Rien faire c'est la conserver."

On connait tous cette phrase chantée par Henri Salvador, qui riait bien plus qu'il ne donnait l'impression de travailler (tant il semblait s'amuser).

Le travail, moyen d'épanouissement ou d'asservissement? Tâche utile ou absurde? Moyen de vivre ou de survivre? Outil d'expression de soi ou d'aliénation d'identité? Activité faite pour subventionner le temps libre ou temps libre mis au service de l'employeur?

On entend tout et son contraire. On interprète chacun à notre façon. On essaie de faire avec l'inconciliable pour ne pas péter les plombs, on clame facilement notre liberté, notre sens des valeurs, notre capacité à prendre du recul... Est-ce vrai?

UN TRES BON ARTICLE DE TELERAMA

De quoi mettre de bonne humeur le lundi matin... l'article expose les origines du "maniement du paradoxe" comme mode de management, au nom du quel on nous demande d'être créatif en restant dans un cadre... de jouer collectif en étant évalué individuellement...

Travail : peut-on résister aux injonctions paradoxales sans péter un boulon ?

« Soyons réalistes, demandons l'impossible. » Passé à la moulinette du management contemporain, le slogan fantaisiste de Mai 68 s'est trouvé propulsé de l'autre côté de la barricade. En catimini, il a atterri dans d'improbables cabinets de consultants chargés de standardiser les prescriptions de l'entreprise. Faire plus avec moins, avoir l'esprit collectif tout en se soumettant à des évaluations individuelles, renoncer à ses valeurs professionnelles pour mieux se réaliser, être libre de travailler en permanence grâce aux ordinateurs et aux téléphones portables…

Aujourd'hui, du cadre d'entreprise à l'employé administratif, de l'assistante sociale au salarié d'Orange, de l'infirmière à l'informaticien, tout le monde ou presque est sommé de concilier l'inconciliable. Au point que ces injonctions paradoxales pourraient bien finir par rendre tout le monde malade.

Option numéro un : développer des mécanismes de défense pour ne pas virer dingue. Enfermer ses doutes dans les profondeurs de son inconscient, ne plus penser par soi-même, rationaliser, se noyer dans le travail, refouler son moi et faire « comme si »…

Option numéro deux : résister activement. Pour ne pas se laisser piéger, il faut pouvoir mettre à distance la violence institutionnelle par l'humour ou la dénonciation. Rire entre collègues de sa « médaille en chocolat », de « chiffres hystériques » ou d'« évaluation au doigt mouillé ». Désinvestir psychiquement le travail ou réinvestir des métiers qui font sens. Vénérer la lenteur plutôt que la vitesse, préférer la tranquillité au mouvement, renoncer à vouloir se dépasser…

Humeur d'un lundi - "le travail c'est la santé..."

JE CHOISIS L'OPTION DEUX...

L'autodérision, le recul, l'épanouissement par le travail mais aussi par d'autres moyens. Pour moi, là est le salut.

Si je réfléchis trop à ce qu'on me demande au bureau, je pète un câble. Mais si je faisais un métier que je n'avais pas choisi, et sur des thématiques qui ne m'intéressent pas, je serais malheureuse. Il faut donc trouver le bon ton, pour avoir du bonheur au travail, par le travail, mais aussi (et c'est le plus important) en-dehors du travail.

Car on travaille pour vivre et non l'inverse.

Pour cela, il y a des choses à faire, pour lesquelles se bouger... la solution n'est pas sur un plateau, certes, juste à portée de main. Je veux faire ce qu'il faut pour au moins la toucher du doigt.

... PAR L'ECRITURE

Il y a peu de romans sur le travail, la vie en entreprise... Soit on est dans le cas très particulier avec le salarié victime de burn out et tout ce qui va avec, soit on est dans le genre de l'essai.

J'essaie, de mon côté, d'apporter ma vision, avec moins de trois ans d'expérience.

Le temps qu'on passe à travailler, le temps qu'on a passé pour en arriver là, le temps dont on a peur de manquer pour faire ce qu'on veut... on croirait se noyer dans un sablier.

Avec le calcul du temps, la vision du travail quand on démarre une carrière offre l'image effrayante d'un marathon qu'on commence sans être vraiment préparé. On s'est entraîné, on se retrouve sur la ligne de départ avec des gens qu'on aime bien, ou pas, des inconnus, qu'il nous faudra peut-être dépasser.

Le temps et la course... Deux idées essentielles pour moi dans ce projet d'écriture en cours.

Extrait:

L’homme se tue à courir, mais les marathoniens dépasseront tout entendement et ne s’arrêteront pas pendant environ quatre heures de course, pour les coureurs moyens qui courent entre dix et onze kilomètres à l’heure. Ils forcent certes l’admiration, mais suscitent un questionnement obsessionnel de la part de ceux qui ne comprennent pas, moi y compris. Pourquoi ?

Le marathonien sera prêt à s’approprier une piste d’athlétisme pour y courir sans relâche, dans le même sens, dans cette sorte de virage constant qui fait que nous sommes très légèrement penchés durant notre course. Alors que le commun des mortels se trouvera déjà courageux de sortir courir par un temps sombre avec une température en-deçà de dix degrés celsius, le marathonien règle une commande sans son cerveau, tel un robot, et démarre pour ne pas s’arrêter avant soixante-dix tours de stade, soit vingt-huit kilomètres. Un entraînement tout ce qu’il y a de plus banal.

Je cours pour le plaisir et je fais des études qui me plaisent. Je refuse de courir un marathon de quarante-deux kilomètres et cent-quatre-vingt-quinze mètres – il paraît que ces presque deux cent mètres de plus signifient beaucoup pour le coureur – mais je m’apprête à mettre à disposition d’un employeur que je ne choisirai pas forcément mes futures compétences et ma force de travail toute neuve pendant quarante trois ans.

Autrement dit, nous refusons presque tous de courir l’équivalent de cent cinq tours de stade – et nous regardons ceux qui se vantent de le faire avec des yeux ronds remplis d'une douce incrédulité – mais nous sommes prêts à nous lancer à corps perdus ans une course de cent soixante-douze trimestres.

Rédigé par t-as-vu-ma-plume

Publié dans #Le Canard se déplume, #Mes écrits : Poids Plume

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