Ecrire le cinéma - Tu seras mon fils, une autre interprétation de l'expression "Les raisins de la colère"

Publié le 14 Avril 2012

 


 

 

 

Le vin se bonifie avec le temps, l’homme peut-être pas. On est presque dans un triangle amoureux entre le père, le fils et la vigne, dans ce film qui m’a véritablement embarquée : Tu seras mon fils. Les femmes n’en sont pas absentes, bien sûr. Mais le sujet du film reste le lien du sang : virilité, besoin de faire ses preuves, questionnement sur son avenir (« dois-je marcher dans les pas de mon père ? », « Dois-je lui rendre des comptes »).

 

Et le père, détestable à souhait, incarné justement par un acteur qui interprète souvent corps et âme ces cyniques dégueulasses, j’ai nommé Niels Arestrup. Ce père est ignoble, fascinant d’égoïsme et d’exigences.

Il n’hésite pas à se dire qu’il n’aime pas son fils, à l’assumer et à retourner encore et encore le couteau dans la plaie, jusqu’à ne plus avoir de scrupules à faire passer un autre jeune homme pour son fiston, écarter des affaires le vrai fils biologique et envisager de lui laisser les clés de son grand domaine viticole.

Les effluves du vin qui murit dans les tonneaux s’échapperaient presque jusqu’à nos narines à la vision de ce film aux couleurs chaudes, à l’atmosphère visqueuse et pesante.

 

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Comme Lorant Deutsch, qui incarne ce rejeton rejeté, on ne comprend pas ce qui se passe. Le paysage est si beau, la viticulture est tellement une passion qu’on ne saurait lui enlever ce qui constitue sa vocation. Faisant son footing chaque matin au milieu de ces rangées torsadées de raisins, courant sous la pluie, il ne trouve pas la sortie de ce labyrinthe qu’est devenu le domaine.

 

Voir cet acteur dans un rôle non comique fait du bien. Sauf qu’on a vraiment peur pour lui. Car le film tournerait presqu’au thriller !

 

Un aspect très intéressant et qui permet de sortir du simple dualisme père fils, c’est la réaction des parents de celui qui doit remplacer Lorant Deutsch dans la vie de Niels Arestrup. Vous suivez ?

Imaginez un vieil homme, travaillant des dizaines d’années avec et pour un patron de domaine viticole exigeant jusqu’à la tyrannie, rongé par la mort de son propre père. Ce vieil homme apprend qu’il va bientôt claquer, du fait d’une maladie trop avancée. Et il voit son fils revenir au bercail, au départ pour prendre soin de lui et soutenir sa mère. Et il voit, au fur et à mesure que sa vie lui échappe, son propre fils pris peu à peu dans le giron de ce patron qui ne regarde pas plus loin que le bout de ses chaussures en crocodile.

Imaginez maintenant que ce vieil homme est Patrick Chesnais, et là, vous vous direz qu’il ne peut pas perdre pied ainsi et se laisser voler jusqu’à la chair de sa chair…

 

Ce film, comme un bon verre de pinard, est un mélange de saveurs (grand air, le sucré d’Anne Marvin en femme de Lorant Deutsch et belle-fille rebelle, le confinement d’une cave), d’émotions (frustration, mélancolie, ambition) et de couleurs (les acteurs sont tous excellents, avec au premier rang le tandem-duel de Lorant et Niels, au sommet de l’absurde haine humaine).

Rédigé par t-as-vu-ma-plume

Publié dans #A la croisée des arts

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