Génération Bataclan, un slogan qui fait grincer des dents

Publié le 25 Novembre 2015

Ce matin, le 9/15 de Daniel Schneidermann. Ce billet est remarquable sur plusieurs points, et pas seulement dans le bon sens du terme. J'aimerais en effet que vous saisissiez l'ironie dans mon propos.

1/ LE RETOUR DE LA POLITIQUE SPECTACLE

Où on apprend que Valls, qui n'a rien de mieux à foutre que d'aller sur un plateau télé d'émission de divertissement, ne s'est bourré la gueule depuis longtemps. Cool, c'est tout ce qui me manquait pour passer une bonne journée. Le billet de Daniel Schneidermann souligne là le retour d'une politique langue de bois qui veut flirter avec les gens bien, qui pourraient être les équivalents personnifiés des "places to be", genre les "people to talk".

Le Premier ministre ment effrontément en disant que l'Etat d'urgence n'enlèvera aucune liberté. A quoi cela sert de mentir, franchement? Quand, pour une fois, tout le monde est d'accord pour voter cet état d'urgence avec ce que ça implique derrière (plus de contrôles dans les lieux publics, des perquisitions et assignations à résidence opérées plus facilement désormais etc.)? Benoit Hamon a déclaré lui-même, en tant que frondeur solidaire, que l'Etat d'urgence allait "toucher des libertés publiques, mais c'est provisoire".

Mais bon, qui dit retour de la politique spectacle dit aussi retour des esprits critiques qui peuvent s'en donner à coeur joie.

2/ LE RETOUR DES ETIQUETTES

Bon, Daniel, tu nous mets quoi dans la Génération Bataclan? la même chose que Libé dans sa Une? Les jeunes? ceux de la génération Y ? Les bobos, les hipsters ? Les parisiens ? les Français? Ceux qui vivent en France? En Europe? Ceux qui ont peur? Ceux qui crient qu'ils n'ont pas peur? Ceux qui revendiquent de boire en terrasse? Ceux qui s'y refusent? Ceux qui ont arboré le drapeau français sur Facebook? Ceux qui ont refusé parce que c'est trop nationaliste? Ceux qui regardent le Petit Journal de Canal +? Les "gens normaux" de ton billet?

Ce slogan a l'avantage et le défaut d'une étiquette : facilement mémorisable, il se veut généralisant et échoue du coup à définir vraiment ce qu'il entend derrière ses mots. Du coup, je me reporterais davantage à cet article du Monde consacré à la jeunesse et aux possibles "plusieurs générations Bataclan", et refuse de me positionner. On va pas refaire le coup de Je suis Charlie ou pas Charlie avec cette nouvelle étiquette.

3/ LE RETOUR D'UNE POLITIQUE REAC

Si ce que dénonce le billet ci-dessous est vrai, à savoir la garde à vue et l'assignation à résidence d'une jeune de 21 ans, aveugle et musulman (l'une des deux caractéristiques est un bon prétexte, l'autre montre l'absurdité de la situation), alors c'est déjà très grave. Ce que je n'aime pas trop non plus, c'est l'appel de Valls à la fermeture de l'Europe pour les réfugiés, et qui tape sur l'Allemagne à cette occasion. Comment voir autre chose qu'une réaction sécuritaire radicale, associée à une sorte d'opportunisme pour les futures élections et pour justifier une politique d'accueil des réfugiés que le gouvernement français n'a manifestement jamais voulue?

Bref, je vous laisse à la lecture du billet de Scheidermann, qui a le mérite de faire se poser de nombreuses questions. C'est bien, de se poser des questions.

Génération Bataclan, un slogan qui fait grincer des dents

Génération Bataclan : Barthès en état d'urgence

Il le fallait bien : Manuel Valls vient se pencher sur la génération Bataclan. Et il a même fait le déplacement jusqu'à la terrasse préférée de la génération Bataclan, son QG télé : le plateau du Petit Journal. Le Premier ministre y est en terre étrangère, et d'ailleurs, admet-il, "ça fait longtemps que je ne me suis pas bourré la gueule" (citation à buzz). Valls en défenseur de "notre art de vivre" (mojitos, hard rock, tarpés), comme en janvier sortant de l'Elysée avec Charlie Hebdo sous le bras : à ce rythme, il finira le quinquennat en mangeant bio dans une ZAD. Mais on n'est pas à ça près, il a pris l'habitude.

Valls est venu combattre un adversaire plus coriace que Daech : son déficit de coolitude. Ce que demande la génération Bataclan, exprimée par Canal+, ce n'est pas seulement d'être rassurée. Mais d'être rassurée par un type cool. D'ailleurs Valls connait bien ladite génération, il a "quatre gamins" (16 à 22 ans). Qui auraient pu être en terrasse ce soir-là. A qui il a pensé en premier le vendredi soir. C'est dire. En quarante minutes, il parvient donc à demi-sourire deux fois. La première, quand Barthès dit "ne faites pas de tunnel, vous allez devoir répondre à 5000 questions". Sur la table, s'entassent en pile les 5000 mails reçus dans la journée. C'est jeune, les mails. C'est rigolo, cette pile sur la table. Ca proclame : youpi, le Petit Journal est toujours le Petit Journal.

Ou presque. Car Barthès, lui, n'est plus tout à fait Barthès. Il lit. Il lit ses questions sur son prompteur, et aussi quelques uns des fameux 5000 mails, dont celui de "Julien, 21 ans". "J'ai peur pour nos libertés. Quelles libertés êtes-vous prêt à sacrifier ?" demande à Manuel Valls "Julien, 21 ans". Valls : "aucune liberté ! L'état d'urgence est là pour protéger nos libertés" A cet instant, si le Petit Journal était encore vraiment le Petit Journal, Barthès pourrait parler à Valls de la perquisition au Pepper Grill (1). Ou bien, tiens, il lui montrerait la photo d'un autre jeune homme, 21 ans lui aussi. Cette photo, précisément :

David est aveugle (et musulman, faut-il le préciser ?) A la suite d'une dénonciation, en raison de sa barbe, ou parce qu'il l'a rasée -les choses ne sont pas claires sur ce point précis- il a été, selon le site Al Kanz (2), gardé à vue pour 48 heures, puis assigné à résidence. Il doit se rendre trois fois par jour (à 8 heures, 15 heures, 19 heures) au commissariat, situé à cinq kilomètres de chez lui, en empruntant des transports en commun. Le site Al Kanz exagère peut-être (d'ailleurs, selon la page facebook de Beur FM, David s'appelle peut-être Daoud (3), mais le récit reste grosso modo le même). En temps normal, le Petit Journal aurait enquêté lui-même. Et alors oui, Barthès montrerait cette photo à Manuel Valls, pour l'obliger à la regarder, à répondre sur le cas de David. Il ferait ça très bien. Mais non. "Aucune liberté", dit Valls. Visiblement soulagé, Barthès répète : "donc moi, et les personnes qui sont ici (vaste geste circulaire sur le public du Petit journal, où par hypothèse ne figure aucun perquisitionné potentiel), aucune liberté..." Ouf ! Les gens normaux seront épargnés. La génération Bataclan est en état d'urgence.

Rédigé par t-as-vu-ma-plume

Publié dans #Le Canard se déplume, #Je prends ma plume...

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G
Yes Helene! tu me fais kiffer avec cet article! J'adhere et ça fait du bien de lire ça!
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